Dans une semaine, toute l’équipe d’OrdiRétro sera à la Paris Games Week 2017 pour vous faire découvrir des pépites vidéoludiques et nous aurons même le privilège de pouvoir vous présenter quelques jeux inédits comme Twin Dragons, un homebrew NES développé par Antoine Gohin, accompagné dans cette aventure de Matthieu et Martin.
Et en plus de vous permettre de tester le jeu en avant-première, il a bien voulu répondre à nos questions.
OrdiRétro : Peux-tu te présenter, ainsi que Broke Studio ?
Antoine Gohin : Je m’appelle Antoine, j’ai 35 ans, développeur sur NES depuis 2015, et je travaille depuis bientôt un an maintenant sur Twin Dragons, un nouveau jeu de plateforme pour la NES. C’est un projet créé initialement pour la NESDEV Compo 2016, qui est une compétition de création de jeu vidéo pour la NES organisé par le site nesdev.com. Twin Dragons m’a permis de remporter la compétition et suite à ça, j’ai créé Broke Studio, une petit studio de jeu vidéo rétro indépendant avec deux amis : Martin Le Borgne, graphiste, et Matthieu Halberstadt, compositeur. Twin Dragons est donc notre premier projet, mais on espère pas le dernier.
OR : Quelle a été ta première machine, celle sur laquelle tu as découvert le jeu vidéo ?
AG : Ma première machine était un Amstrad CPC 464, rapidement complété d’un lecteur de disquette. Je devais avoir 5 ou 6 ans quand mon père a ramené ça à la maison, c’était la révolution ! Ça m’a permis de découvrir des jeux comme Bombjack, Billy la Banlieue, Les Passagers du Temps et bien d’autres. Mais je n’étais pas un bon joueur, et ce qui m’intriguait le plus c’était de savoir comment étaient faits ces jeux et comment en faire un moi même. Je n’ai eu ces réponses que récemment, mais ça ne m’a pas empêché à l’époque de créer quelques programmes en Basic.
OR : Quel serait le jeu vidéo que tu as fait et refait ?
AG : Dur de n’en citer qu’un seul. J’ai fait et refait pas mal de point’n’click sur PC comme Simon the Sorcerer ou Day of the Tentacle, mais je crois que le jeu que j’ai le plus fait et refait, même dernièrement, c’est Double Dragon 2 sur NES. Vraiment un incontournable pour moi.
OR : Pourquoi faire un jeu sur une ancienne console ? Pourquoi avoir choisi la NES plutôt qu’un autre support ?
AG : J’ai eu l’occasion de travailler sur un microprocesseur (un PIC16F plus précisément) et travailler très proche du hardware m’a vraiment plu. Je me suis alors demandé comment je pouvais prolonger l’expérience, mais en appliquant ça au jeu vidéo. C’est là que j’ai commencé à me pencher sur les différentes plateformes rétros et leur fonctionnement. Évidemment j’ai regardé le CPC, mais j’ai au final choisi la NES par rapport aux ressources disponibles sur le net, à la communauté de développeur déjà en place, à la simplicité de son architecture, et aussi il faut l’avouer, au symbole que représente cette machine dans l’histoire du jeu vidéo.
OR : Le jeu intègre-t-il des éléments de modernité ou est-ce un retour complet aux jeux d’il y a 30 ans ?
AG : L’idée avec Twin Dragons n’était pas de révolutionner le jeu vidéo mais de faire un platformer facile à prendre en main, et amusant. C’est un premier projet, et vouloir « innover » ou faire des choses compliquées nous aurait mené droit dans le mur. On a donc préféré faire du classique, mais le faire bien ! Je pense que les seuls éléments de modernité seraient la musique, et la souplesse des contrôles par rapport à beaucoup de jeux NES de l’époque.
OR : Quelles sont les plus grosses difficultés que tu aies rencontré pendant le développement ? As-tu été obligé d’abandonner certaines idées à cause de limitations techniques ?
AG : La première difficulté a été d’apprendre l’assembleur pour pouvoir programmer sur la machine, et la seconde difficulté a été d’apprendre le fonctionnement du hardware. Comme je le disais plus haut, j’ai adoré travailler proche du hardware, et sur ce type de machine il est (pour moi) difficile voir impossible d’obtenir quelque chose si on ne comprend pas comment fonctionne la console.
Sur la NES il y a deux types de limitations techniques : il y a les limitations de la console elle-même, et les limitations de la cartouche. La NES a cet avantage de pouvoir voir ses capacités augmentées grâce à certains composants dans la cartouche (ce qui donne les différents mappers dans les émulateurs). Ce qui fait que le type de cartouche utilisée est assez déterminant selon le type de jeu qu’on souhaite faire.
Le fait d’avoir bien étudié les limitations de la console en amont a permis de faire le tri dès le départ dans les idées qu’on avait eu pour le jeu. Du coup la plupart des idées abandonnées ne l’ont pas été pour cause de limitation technique, mais plus par souci de respect de la date limite qu’on s’était fixé. Il est facile de vouloir ajouter en permanence des fonctionnalités à son jeu et de ne jamais en voir le bout.
OR : Twin Dragons a été financé par une campagne de financement participatif. Que retires-tu de cette expérience?
AG : Ça a été une expérience unique ! C’était une grande première, je n’avais pas vraiment d’attentes, et en même temps je ne voulais pas faire le truc à moitié. Le souci c’est que je ne savais pas du tout par où commencer n’ayant aucune expérience dans ce domaine. C’est donc un peu au culot que j’ai lancé cette campagne, en m’inspirant de ce qui avait été fait pour d’autres jeux NES, et je me suis dit « on verra bien ». 5 jours plus tard, grosse surprise, l’objectif était atteint !
Tout ça pour dire que je ne retiens que du positif de cette expérience, j’ai beaucoup appris, fait pas mal d’erreurs aussi, et je pense que je recommencerais si l’occasion m’est donnée.
OR : Le jeu sortira en édition physique. Était-ce important pour toi ou juste un moyen d’attirer un autre public, celui des collectionneurs ?
AG : L’édition physique est vraiment le but final du projet. Avoir dans les mains une cartouche avec son propre jeu c’est vraiment magique. Je mentirais en disant que les éditions collectors du Kickstarter n’étaient pas destinées principalement aux collectionneurs (de homebrew), mais le nombre de personnes en France qui ont découvert l’existence de homebrew à travers mon Kickstarter et qui du coup voulaient une version collector m’a vraiment bluffé !
OR : Que penses-tu que le phénomène actuel du rétrogaming ?
AG : Je ne suis pas un spécialiste, mais de mon point de vue c’est un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur, et j’ai l’impression que c’est un mélange de nostalgie, et peut être de déception de certains joueurs par rapport aux jeux vidéos qui sortent aujourd’hui. Je suis aussi très surpris du nombre de jeunes / très jeunes que l’on peut croiser aux conventions, et qui s’intéressent beaucoup à tout cet univers rétro.
Cet effet de « mode » est en tout cas un vrai coup de pouce pour tous les développeurs de homebrew, toutes plateformes confondues, qui gagnent en exposition. Beaucoup de gens (y compris des rétrogamers), ne savent pas que de nouveaux jeux continuent de sortir sur ces vieilles machines, et quand ils découvrent ça, c’est souvent un tout nouveau monde qui s’ouvre à eux.
OR : Le mot de la fin ?
AG : J’ai énormément appris grâce à ce projet, sur tous les plans, et je peux affirmer que c’est une de mes plus grandes expériences de vie jusqu’à présent. Je remercie Ludivine, ma copine, qui a été et qui est toujours d’un soutien sans faille dans cette aventure, même si elle m’a avoué dernièrement qu’elle n’en pouvait plus des dragons, la pauvre… 🙂
Merci à Antoine pour cette interview et pour ceux qui voudraient en apprendre encore plus sur le jeu et sur son développement, n’hésitez pas à regardez l’épisode d’Oldschool is Beautiful qui lui est consacré.