OrdiRétro : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Brandon Cobb : J’ai 31 ans et je suis un homme d’affaire toujours à la recherche d’un défi à relever. Je me suis lancé dans le commerce de jeux rétro car je pense que les nouveaux jeux produits par d’autres compagnies sont médiocres et que je voulais faire mieux.
Les entreprises de jeu vidéo que je respecte le plus sont les petites start-ups, composées d’un homme et de ses rêves. Peu de moyens mais alimentés par l’espoir que des idées fraiches et indépendantes peuvent éblouir les masses. Je suis fier de dire que Super Fighter Team a démarré et reste une entreprise de ce genre. Et je suis heureux d’être maintenant partenaire de quelques unes des sociétés qui m’ont inspiré le plus quand j’étais enfant, comme C&E et Panda Entertainment [deux entreprises taiwanaises dont Super Fighter Team a acquis certaines licences, NRD]. Cela montre ce qu’un homme peut faire quand il explore ses passions.
J’aime aussi le cinéma, l’humour burlesque et les longues promenades au clair de lune.
OR : Comment se fait-il que vous jouiez encore à des jeux vidéo à votre âge ?
Brandon Cobb : Il y a bien des adultes qui lisent des B.D ! Et qui regardent des dessins animés ? Quelque soit ce qui vous rend heureux, tant que ça ne nuit ni à vous même ni aux autres, faites-le ! Qu’est ce que le regard de la société a à voir avec ça ? Il n’y a rien de mal à être resté un enfant dans son cœur. En fait, il y a même des femmes qui recherchent cette qualité 😉
Je pense que tout est affaire de priorités. Les jeux vidéo sont très importants pour moi parce que je suis dans ce milieu. Mais même comme ça, je ne sacrifierais pas ma vie personnelle pour eux. C’est quelque chose d’important à retenir : sachez quand succomber à vos désirs et quand vivre votre vie.
OR : Pensez-vous qu’il y a une différence de statut du jeu vidéo en Europe, en Asie et en Amérique du Nord ?
Brandon Cobb : Je pense que les communautés de joueurs sont plus enthousiastes en Europe qu’aux Etats-Unis. Quand je me rends dans des salons de rétro gaming en Europe, ou qu’on m’en parle, j’ai toujours l’impression qu’il y a plus de créativité à l’œuvre. Ici aux Etats-Unis, je ne vois qu’un tas de gens assis à des tables en train d’essayer de refourguer un banal jeu Atari 2600 comme si c’était une exclusivité. L’argent semble plus important que la fête.
Je vais en France dans un salon qui s’appelle la RGC (Retro-gaming Connexion), et j’y rencontre des gens qui font des choses uniquement parce que cela les passionne. On n’est pas envahi par les étiquettes des prix. C’est pourquoi je préfère être dans cette ambiance et faire l’annonce de mes produits là-bas. Je ne renie pas mes compatriotes, je souhaiterais juste qu’ils contribuent à créer un environnement plus propice à ce que nous essayons de faire. Nous sommes une entreprise, et nous devons vendre des choses pour financer de futurs développements, mais l’argent n’a jamais été notre priorité.
OR : Que pensez-vous du financement participatif ?
Brandon Cobb : Cela pourrait nous permettre de faire des choses vraiment étonnantes, mais là aussi, je trouve que ça n’est pas pour moi. Je pense que je suis trop fier. Nous devons réussir ou échouer du fait de nos mérites propres. Si je ne fournis pas un produit à quelqu’un en échange de l’argent qu’il me donne, pourquoi est-ce que je le lui prends ?
OR : Prévoyez-vous de rééditer vos anciens titres afin de mettre un frein à la spéculation malhonnête qui sévit sur des sites aux enchères malhonnêtes ?
Brandon Cobb : Certaines personnes sont cupides. Et quand je parle de gens cupides, je veux parler d’enfoirés super cupides. Ils devraient avoir honte, à essayer de fourguer les jeux sur lesquels nous avons travaillé dur pour un tas de fric mal acquis. En quoi ont-ils contribué au projet ? En rien. Et pourtant ils se font plus d’argent que moi, qui vend le jeu. Si ce n’est pas ironique !
S’il y a une chose que je n’ai jamais été capable de faire, c’est de me contenter d’être assis derrière un bureau et d’attendre que nos produits se vendent. Je ressens toujours l’envie de m’attaquer à un nouveau défi, et de lancer la production sans m’assurer d’abord que nous avons suffisamment de stock de notre produit précédent. M’en tenez vous rigueur ? Je me laisse emporté par la passion ! Mais pour Nightmare Busters, j’ai choisi de me calmer un peu, de mettre cet enthousiasme de côté. Ainsi personne ne sera lésé et je ne finirai pas pourchassé par une foule en colère brandissant des torches et des fourches.
Nightmare Busters annoncé pour décembre !
OR : Vous annoncez la sortie de Nightmare Busters pour décembre. Vous n’avez pas peur d’être trainé devant les tribunaux par le Père Noël pour concurrence déloyale ?
Brandon Cobb : Non. Le Père Noël gère une association non lucrative. Je suis plus soucieux de me mettre à dos RoboCod, l’homme de main du Père Noël. Une fois qu’il vous tombe dessus avec son armure lourde, vous êtes cuit.
OR : Comment avez-vous pu trahir Sega et décider de publier un jeu sur Super Nintendo ? Ça craint.
Brandon Cobb : Ce sont les gens de chez Sega qui se sont trahis, et nous ont trahis par la même occasion, il y a longtemps de cela. Mais même ainsi, il semble en fait que Sega apprécie ce que nous faisons, ou du moins trouve que ça a un charme étrange. Nintendo par opposition, est composé d’une poignée de directeurs déconnectés de la réalité, siégeant dans un château qui tombe en ruines.
OR : Quels défis avez-vous du relever pour travailler avec des développeurs mangeurs de grenouilles ?
Brandon Cobb : Il n’y avait aucun défi. Christophe Gayraud était le gars le plus sympa du monde, tout joyeux à l’idée qu’on publie Nightmare Busters. Tout ce qu’il souhaitait, c’est que le jeu puisse trouver son public.
OR : Envisagez-vous de porter Nightmare Busters sur d’autres systèmes, plus récents ?
Brandon Cobb : Comme quoi ? Le Virtual Boy ? C’est techniquement plus récent que la Super Nintendo.
OR : Quel est votre jeu favori, celui que vous avez terminé des centaines de fois ?
Brandon Cobb : Alone in the Dark, l’original de 1992 sur PC bien sûr. Ce jeu est tout simplement brillant. Je l’ai terminé un si grand nombre de fois que j’ai arrêté de les compter. Et quand je suis fatigué d’y jouer normalement, j’ai commencé à repérer et à exploiter tous les bugs de programmation, juste parce que je ne voulais pas m’arrêter d’y jouer ! J’ai finalement eu une petite discussion avec le programmeur et je lui ai raconté ce que je faisais et toutes les choses inattendues et sympathiques que j’avais découvertes. Il s’est excusé pour tous ces bugs !
OR : Dans quel jeu voudriez vous partir en vacances ?
Brandon Cobb : Je peux vraiment faire ça ? Le monde de Gobliins 2, sans hésiter. J’adorerais me balader en parlant en charabia, et passer mon temps à faire des grimaces absurdes et à pousser des hurlements. Ce serait comme de vivre dans un dessin animé! Cependant, je dois bien avouer que la première fois que Winkle s’est moqué de moi, je lui aurais bien collé mon poing sur la figure.
En fait, je voyage beaucoup. C’est l’une de mes activités préférées. Je suis allé au Vietnam en avril et ma prochaine destination est la Sicile. J’espère pouvoir visiter autant de pays que possible, avant que les responsabilités qui viennent avec l’âge ne me rattrapent. Pour le moment, je me sens toujours comme un gamin : j’essaye de profiter de la vie et de ne pas m’en faire.
OR : Si vous pouviez être un personnage de jeu vidéo, qui seriez-vous ?
Brandon Cobb : Dans la vraie vie ou dans un monde virtuel ? Dans la vraie vie, je voudrais être Edward Carny d’Alone in the Dark. Il vient d’une période historique intéressante, les années 20, et il a une volonté d’acier. Ainsi que ce .38 mm Special, le meilleur ami de l’homme.
Dans un univers de jeu vidéo, j’aimerais probablement être Fingus de Gobliins 2. Il est malin et logique, en plus de passer son temps à siffler faux, ce qui est tout simplement hilarant.
Au fait, ce n’est pas un hasard si ces deux jeux sont français. Les Français ont vraiment fait quelques uns des meilleurs jeux PC à l’époque, de vraies œuvres d’art.
OR : Pensez-vous que les jeux vidéo auraient leur place dans les musées et les galeries d’art ?
Brandon Cobb : Pas ceux qui sortent de nos jours.
Le pionniers des premiers jours ont fait des choses absolument renversantes avec les limites techniques dont ils devaient tenir compte. Et le marché à cette époque était si petit comparé à ce qu’il est devenu aujourd’hui que beaucoup de cette splendeur est maintenant totalement sous-estimée. Et ça m’énerve.
De nos jours, on ne parle plus que d’énormes budgets hollywoodiens, et de 500 personnes appartenant à 6 sociétés différentes, qui travaillent toutes ensemble pour produire un jeu qui sera oublié deux semaines plus tard. Mais c’est de ça dont on se souviendra de l’industrie du jeu vidéo, en tout cas pour la plupart des gens! Ca ne vous fait pas mal au cul? Ces petites équipes de développement de une à cinq personnes faisaient dans le passé des choses que ces mastodontes de 500 développeurs ne peuvent même pas espérer réaliser aujourd’hui. Pourtant la plupart d’entre eux sont aujourd’hui des héros anonymes.
OR : Selon vous, quel jeu conviendrait le mieux à côté de la Joconde ?
Brandon Cobb : Maniac Mansion: Day of the Tentacle. Ses graphismes, sa musique, ses personnages, son histoire, son humour : tout est splendide. C’est le mélange parfait à tous les niveaux ; les développeurs étaient des génies.
OR : Le mot de la fin ?
Brandon Cobb : Nous avons commencé à porter des jeux pour les téléphones portables, en plus de nos jeux pour consoles classiques. Commander Keen in Keen Dreams est notre premier jeu à sortir sur Android. C’est une adaptation parfaite de l’original sorti sur PC, et j’en suis très fier. Nous allons continuer d’explorer ce marché pendant un moment, voir ce que ça donne. Ça devrait être amusant.
Et puisqu’on aborde ce sujet, bon sang, qu’est devenu Nokia?! C’étaient les meilleurs, vraiment les meilleurs. Pendant des années, ils ont fait les seuls téléphones portables qui valaient le coup d’être acheté. Symbian dominait ses concurrents. Et MeeGo était vraiment prometteur, jusqu’à ce qu’ils se réorientent vers l’abomination de Microsoft. C’est une leçon pour vous les gars : ne vous reposez pas sur vos lauriers. Vous pouvez être le boss aujourd’hui mais si vous oubliez ce qui vous a conduit à cette position, demain vous pouvez vous retrouvez à faire les poubelles.