Magnetic Realms est un studio indépendant qui a sorti son premier jeu en cette fin d’année : Inescapable. Celui-ce ne pouvait qu’attirer notre attention par ses graphismes en 2D dessinés à la main et exciter notre curiosité quand on découvre que l’auteur revendique l’héritage des micro-ordinateurs 8 et 16 bits (BBC, ZX Spectrum, Commodore 64, Atari ST, Amiga) – un comble pour quelqu’un parti s’installer au Japon ! Nous vous offrons donc à la fois le test et l’interview.
Le jeu commence au premier abord de manière très classique : vous incarnez Jameson, un gaillard à la barbe blanche qui vient tout juste d’être recruté sur un vaisseau spatial (sans doute pour compléter sa maigre pension, le futur des seniors s’annonçant sombre). Cependant les choses dérapent et le vaisseau est attaqué par une faction adverse. Jameson se retrouve ainsi être le seul rescapé d’une éjection en catastrophe vers la planète la plus proche.
Cette introduction est à l’image du jeu : pas d’explosion grandiloquente (l’attaque est vécue de l’intérieur par quelques lignes de dialogue), pas de musique symphonique tonitruante ou mélodramatique. Bref, pas du cinéma mais un jeu qui s’affirme comme tel avec une prise en main simplissime. Un bouton pour sauter, un bouton pour observer l’environnement et un bouton pour utiliser un objet de l’inventaire. Il faudra en effet s’équiper si vous voulez survivre sur cette planète inconnue, en commençant par fouiller les nacelles de sauvetage de vos infortunés compagnons. Vous êtes également vêtu d’une combinaison que vous pourrez progressivement améliorer ce qui vous permettra de débloquer certaines zones autrement accessibles. On retrouve là une mécanique de type Metroid ou Zelda bien huilée.
D’une certaine manière le jeu se trouve entre les deux, avec des ennemis et des plates-formes pour exercer vos talents de joueurs mais également une histoire qui se dévoile au fur et à mesure de l’exploration notamment grâce à la liaison que vous conservez avec l’ordinateur central de votre vaisseau. Quelques petites énigmes à base d’objets accentuent encore cet aspect jeu d’aventure. Par ailleurs, il vous faudra gérer vos efforts car votre barre de vie descend très vite et les moyens de la remonter sont très rares. Une tension s’installe ainsi rapidement qui joue sur les nerfs et oblige à ne pas foncer dans le tas.
Et c’est là indéniablement la force d’Inescapable qui semble très simple au départ mais met progressivement le joueur face à l’addition de ses petites erreurs répétées dont la sanction est sans appel : la mort ! Il est heureusement possible de sauvegarder ce qui permet de progresser régulièrement dans le jeu.
Pour terminer, l’ambiance du jeu est bonne avec un univers dont on perçoit les influences (Alien par exemple) mais sans que cela soit évident ou juste recopié tel quel comme c’est souvent le cas. L’ensemble est digéré pour nous offrir un monde original et plaisant à découvrir et à explorer. Le son est malgré tout un cran en-dessous du reste avec des bruitages corrects mais pas de musiques.
Inescapable fonctionne sous Window, Linux ou MacOS X et disponible directement sur le site de Magnetic Realms ou via Desura. Il est disponible au prix raisonnable de 10 dollars (9 euros).
OrdiRétro : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Matt Fielding : Je m’appelle Matt Fielding, et j’étais programmeur dans l’industrie des jeux vidéo au Royaume-Uni et en Australie avant de venir m’installer à Tokyo et de devenir développeur indépendant en créant Magnetic Realms. J’ai travaillé de manière professionnelle sur des plates-formes allant de la Gameboy originale à la XBox 360, en passant par la Gameboy Advance, la Playstation, la Dreamcast, la PS2 et le PS3.
OR : Comment vous est venue l’idée d’Inescapable ?
Matt Fielding : J’ai lu beaucoup de choses sur la manière de réaliser des jeux et d’écrire des histoires et cela m’a inspiré pour essayer de faire un jeu avec un aspect héroïque plus fort que ce que l’on a l’habitude de voir. Je voulais combiner une histoire plus moderne à un style de jeu plus ancien, comparable à ceux qui me fascinaient quand j’étais plus jeune et qui se font malheureusement rares aujourd’hui.
OR : Comment avez-vous relevé le défi de réaliser un jeu seul ? Quels sont les aspects les plus difficiles d’un tel projet ?
Matt Fielding : Pour tout dire la programmation n’a pas été un véritable problème puisque c’est ce que je fais depuis que je suis très jeune mais j’avais peu d’expérience en matière de sons et aucune pour ce qui est du graphisme en pixel art. Du coup, il m’a fallu beaucoup d’entrainement. Par moment, c’était décourageant, en particulier du fait que mes premières tentatives furent très médiocres (ce qui n’a rien de surprenant) mais d’un autre côté, comme j’avais quitté mon boulot et que je comptais sur le jeu pour entretenir ma famille, je n’avais pas d’autre choix que de continuer et de m’améliorer 🙂
L’aspect le plus difficile a probablement été de réaliser le jeu dans un délai raisonnable. Je m’attendais plus ou moins à ce que ça prenne plus de temps que je l’avais prévu (j’en avais largement eu l’expérience dans l’industrie du jeu vidéo !) mais j’ai malgré tout été surpris du temps que cela a pris pour le terminer (environ trois fois plus de temps que je pensais !).
OR : Quelles sont vos influences en terme de jeux, de musique, de films, de livres…?
Matt Fielding : Pour ce qui est de la musique, des films et des livres, j’aime une grande variété de choses et c’est donc difficile de définir des influences particulières. Cependant, on peut certainement dire que les films de David Lynch ont renforcé l’importance du son par rapport à l’image. Selon moi, dans un jeu vidéo, le son est au moins aussi important que les graphismes. Pour ce qui est des jeux, la plus grande partie de mon inspiration vient des jeux pour les anciens ordinateurs 8 et 16 bits, en particulier les jeux européens et anglais. Les jeux pour Commodore 64, l’Amiga et l’Atari ST mais aussi ceux pour le ZX Spectrum et le BBC Micro.
OR : La plupart des gens citent des jeux comme Zelda, Mario, Sonic, etc. Peu d’entre eux osent mettre en avant des jeux sortis sur ordinateurs. Selon vous, y a-t-il une différence entre les deux ?
Matt Fielding : Je n’ai jamais eu de console étant jeune, pas plus que mes amis. Nous avons tous grandi avec des C64, des Amiga, des Atari ST, etc. Je pense qu’il y a une petite différence dans les jeux réalisés sur ces plates-formes si on les compare aux jeux sortis sur les consoles disponibles à l’époque, et je pense que c’est une véritable honte que ce pan entier de l’industrie du jeu vidéo semble parfois quasiment oublié si on le compare à la quantité de choses écrites sur les anciens jeux Sega ou Nintendo par exemple, en particulier au niveau de l’édition papier. Il y a eu récemment la sortie d’un livre sur l’histoire de Sensible Software et il y a un livre en préparation sur Hewson par exemple, mais comparé à la quantité d’ouvrages écrits sur Shigeru Miyamoto ou sur id Software et autres, c’est bien peu. Ce sont évidemment des figures majeures du jeu vidéo mais j’aimerais lire plus de choses sur des gens comme Geoff Crammond ou Mike Singleton, et sur tous ceux qui ont été les héros des gamins ayant eu la même expérience informatique et vidéo-ludique que moi.
OR : La structure d’Inescapable fait penser au premier abord à un énième Metroidvania, pourtant certains aspects font plutôt penser à des jeux comme Rick Dangerous (certains passages de plates-formes à base d’échelles) ou même Zak McKracken ou The Dig (le visuel de la civilisation disparue). Ce mélange est-il délibéré ou le résultat d’un heureux hasard ?
Matt Fielding : Mon inspiration vient clairement des anciens jeux sur ordinateurs comme Gods, Switchblade et tout particulièrement Another World et Flashback. Mais je pense qu’une certaine influence des jeux consoles s’est aussi immiscée de manière inconsciente 🙂
Mon but était de prendre le feeling des anciens jeux micro sans me limiter à une copie exacte de ce style mais plutôt en sélectionnant les meilleurs aspects des vieux jeux mélangés à un game design moderne afin d’essayer de créer quelque chose qui offrirait le meilleur des deux mondes. Le style et le feeling de ces anciens jeux me manquent beaucoup mais le game design s’est énormément amélioré au fil du temps et je ne voulais pas ne pas en tenir compte. J’espére avoir fait quelque chose que tous les joueurs pourront apprécier, pas seulement les retrogamers, tout en ravivant ce petit quelque chose que je ne retrouve plus dans les jeux récents.
OR : Que pensez-vous du retro-gaming ? Qualifieriez-vous votre jeu de retro ?
Matt Fielding : Mon jeu a un style clairement retro mais j’espère avoir réussi à ajouter également des touches plus modernes. La nostalgie joue incontestablement un rôle dans le retro-gaming mais je pense qu’une part importante de l’intérêt pour les jeux anciens est dû au fait qu’il manque quelque chose dans beaucoup de jeux récents. C’est difficile à définir mais il me semble qu’à l’époque, il y avait plus d’imagination et de volonté d’expérimenter des idées différentes.
OR : Quel est votre jeu favori ? Et celui que vous avez terminé le plus souvent ?
Matt Fielding : J’avais l’habitude de dire que mon jeu préféré était Deus Ex mais ça fait longtemps que je n’ai pas réfléchi à la question. Mais c’est certainement le jeu sur lequel j’ai passé le plus de temps et un des jeux qui a eu le plus d’impact sur moi.
OR : Dans quel jeu voudriez-vous vivre ?
Matt Fielding : Probablement dans GTA Vice City, j’adore l’atmosphère et la musique de ce jeu!
OR : Pensez-vous qu’il y ait une différence dans les cultures vidéoludiques japonaise et occidentale ?
Matt Fielding : Je ne pourrais pas vraiment répondre, je ne pense pas avoir suffisamment de connaissances sur la culture vidéoludique japonaise pour pouvoir comparer réellement les deux.
OR : Le mot de la fin ?
Matt Fielding : Merci pour la discussion et j’espère que les lecteurs aimeront Inescapable!
Salut. Je pense que les développeurs de ce jeu ont fait du bon travail. J’espère que ce jeu vidéo deviendra plus connu.