(merci à Kisuke pour avoir réalisé l’interview)
OrdiRétro : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ?
Adrian Courrèges : Bonjour, je m’appelle Adrian Courrèges. Je suis développeur de jeux indie la nuit et je travaille dans une entreprise de middleware à Tokyo le jour. Je suis le fondateur de Breaking Byte, un studio de jeux qui vient de publier son tout premier titre sur Android, Exp3D.
OR : Comment vous êtes vous lancés dans la création de Exp3D ?
Adrian Courrèges : A l’époque où j’ai commencé à développer Exp3D (Mars 2011), Android était jeune et l’offre en shoot-them-up bien pauvre. Je voulais créer un space-shooter en 3D, rapide, fluide, beau, simple à contrôler qui pouvait se démarquer de la concurrence. Sur le plan personnel ma motivation pouvait s’expliquer par principalement deux raisons : la liberté artistique et le défi technique qu’un tel projet offrait.
Dans le cadre professionnel j’ai déjà eu la chance de travailler sur des projets liés aux jeux vidéo, mettant en scène des équipes de programmeurs, d’artistes mais surtout une hiérarchie à respecter (chose extrêmement importante au Japon). En tant que programmeur, mon pouvoir de décision artistique est quasi-inexistant, je suis obligé d’implémenter la vision des designers, bonne ou mauvaise soit-elle. Développer mon propre jeu me permettait d’avoir une liberté totale et de donner libre cours à mon imagination.
Et puis il y a également le défi technique : écrire un jeu à partir de rien, tout seul, est un challenge que je voulais relever depuis longtemps. Pour Exp3D je suis parti d’une page blanche, j’ai débuté la création du moteur de jeu il y a 2 ans en visant Android, je n’étais même pas sûr que le projet pouvait aboutir à l’époque.
Au fil des mois le contenu du jeu s’est enrichi, j’ai rajouté des fonctionnalités au moteur, en plus d’Android j’ai fait un port PC et j’ai à présent également un port WebGL qui permet de jouer à Exp3D directement dans un navigateur web sans rien installer de plus. Je suis vraiment satisfait de pouvoir garantir 60 FPS sur la plupart des téléphones Android, une fluidité indispensable pour un shoot-them-up.
OR : Quels sont vos jeux préférés ? Que recherchez vous dans un jeu ?
Adrian Courrèges : Le tout premier jeu auquel j’ai joué était je pense Frontier: Elite II sous DOS quand j’avais 8 ans. Un jeu qui m’avait fait une très forte impression : des environnements en 3D, des combats de vaisseaux spatiaux, une liberté totale, la possibilité de voyager et de se poser sur n’importe quelle planète de la galaxie, une bande son magnifique…
Dans le cas des jeux d’exploration ou des RPGs une des composantes les plus importantes pour moi est la liberté d’action laissée au joueur et la richesse de l’univers. J’apprécie également beaucoup les jeux de stratégie, dans lesquels je recherche plutôt la difficulté et la réflexion.
Enfin, il y a un aspect dont l’influence est souvent sous-estimée alors qu’il s’agit d’un point crucial selon moi : la musique. Une bonne bande son peut relever à elle seule le niveau d’un jeu moyen, alors qu’une mauvaise gâchera forcément le jeu aussi bon soit-il. La musique est la seule partie d’Exp3D que je n’ai pas créée moi-même, j’ai passé plusieurs mois à rechercher des morceaux qui pouvaient coller parfaitement à l’ambiance, avant même d’avoir des niveaux jouables.
Certains des jeux qui m’ont marqué sont :
– Total Annihilation
– Command & Conquer
– Dungeon Keeper
– Diablo
– Deus Ex
– Morrowind
OR : Que pensez- vous du retrogaming ?
Adrian Courrèges : Je suis amateur de retrogaming, je continue à jouer à de vieux jeux SNES comme Tales Of Phantasia ou des jeux PC comme Duke Nukem 3D. J’ai toujours été impressionné par le talent des artistes de l’époque qui parvenaient à faire passer autant d’émotion avec si peu de pixels à l’écran et des chipsets audio si faibles. Il m’arrive d’ailleurs encore aujourd’hui d’écouter des chiptunes. Les gameplays les plus funs ont été inventés il y a bien longtemps, il est rare qu’un jeu sorte de nos jours avec un gameplay complètement innovant. Et c’est la raison pour laquelle on apprécie toujours autant les vieux jeux : même si leurs graphismes sont datés ils contiennent des mécaniques qui les rendent amusants.
OR : Des projets en vue ?
Adrian Courrèges : Pour l’instant finir de polir un peu Exp3D. Un jeu n’est jamais aussi parfait qu’on le souhaiterait mais il faut savoir le sortir à un moment, ce que j’ai fait. L’avantage avec les smartphones c’est qu’on peut toujours continuer à améliorer le jeu après sa sortie.
OR : Le mot de la fin ?
Adrian Courrèges : J’aimerais dire un mot à toutes les personnes qui souhaiteraient se lancer dans le développement de jeux indie. C’est un parcours difficile qui demande énormément de travail, d’investissement et de sacrifice. Pour se lancer dedans il faut avant tout de la passion, et n’espérer ni retour financier, ni reconnaissance des autres. Ça ne veut pas dire pour autant qu’il faut renoncer à l’aventure. L’expérience d’Exp3D m’a permis de comprendre qu’avec suffisamment d’efforts, de persévérance et de passion rien n’est impossible.